Né d'aucune femme

Commencé de manière poussive, ce roman m’a pourtant emportée en quelques heures. Magistral, puissant, prodigieux, poétique, effrayant, les mots manquent et se bousculent pour le décrire tant on en ressort le cœur déchiré. Il nous conte l’histoire de Rose, petit ange livré aux enfers, vendue comme bonne par son père à un couple maléfique, un monstre à deux têtes, la mère et son fils, qui vont lui faire subir des années durant les pires sévices. Oui l’histoire de Rose est insoutenable, au bord de l’horreur ; elle ne lutte pas à armes égales mais rien ni personne ne parviendra à l’asservir, ni les violences ni les drames qu’elle traverse. Tout cela dans un amour de la langue que Franck Bouysse a transmis à son héroïne qui se nourrit de mots volés dans les journaux qu’elle lit en cachette et que, pourtant, elle ne comprend pas toujours. Ils restent, pour elle, le moyen de la « faire voyager en faisant taire ce qu’ils ont dans le ventre, pour faire place à quelque chose de supérieur qui est du rêve ». Ces mots « magiciens » qu’elle ne comprend pas sont sa « nourriture » et sa « musique », son « âme ». Ils seront son salut, ceux qu’elle couche dans son journal intime, confié à un prêtre, et grâce auquel, la vérité éclate. C’est un magnifique roman où se disputent l’ombre et la lumière, le mal et le bien, la haine féroce et l’amour le plus pur, l’innommable et l’indicible avec la finesse et la beauté.

Coup de coeur bibliothécaire - Agnès